Julien Sunyé • Photography & Prints

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Day 285

English

When you dive into a topic, you try to not only distil the themes and leitmotivs from it, but you also try to push its boundaries.  This brings me to the south of Spain.  A civil war raged here that preceded the Second World War and Hitler took advantage of it to test his new military methods in practice.

It is the only photo for which I will travel by plane.  From Malaga, I drive to Baena, where I have booked a hotel.  The road towards it, just like the one that continues to Albendin, is again stunning.  Rolling hills full of olive trees, with the road meandering its way between them.  Nothing but blue sky and sun.  Cold doesn’t seem to exist here, and nor does activity.  It is like a touristic coastal town without attractions where the tourist season never starts.  For someone who gets panic attacks among people, it is an oasis of peace and relaxation.  I can feel the possibility to exist, to take my place.  The road is mine, the landscape is in me.  I have the feeling of being able to occupy some space in the world again.  Just for a moment, I feel again what it is like to be alive.

After checking in, I want to continue to Albendin to take a look at the location beforehand.  On my way to the car, I receive some angry Spanish glances.  I have apparently parked particularly badly in the middle of the town centre.  In my rediscovered enthusiasm, I have obviously appropriated just a bit too much space for myself.  But I don’t feel guilty about it.  I resolve to pay closer attention to the signs when I return.

I know the satellite photos of the orchard by heart.  It takes me little effort to identify the right slight bend near Albendin, to reduce speed and to turn onto the unpaved road.  I park the car between the olive trees.  This is undoubtedly private property, but there is no one to be seen anywhere.  There is a pungent smell in the air.  There is a dead fox in the ditch.  It is a feast for the dozens of flies.

I do a short sprint up the hill and soon find the bunkers.  They are lying in the orchard like concrete Easter eggs.  The bunkers were built in 1939 after the nationalists had taken Albendin.  If you look from a stylistic perspective, you can see evil glances in them.  Glances can be fatal for the sensitive soul.  I can feel them in me, those glances.  They are still looking at me.  Making me go through life with a feeling of guilt, taking away my freedom of movement.  Yes, I am a wooden scaredy-cat who goes around bowed under a conscience that seems to bear the weight of the world.  Atlas is not carrying the earth on his neck but all the guilt of the world.

In such sunny regions, light will once again be a challenge.I enjoy the lovely weather and the view for a while longer and return to the hotel.The model has arrived.We decide to start that same day so that we can make use of the evening light as well as the morning light the next day.

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French

Lorsque l’on se plonge dans un sujet, on essaie non seulement d’en assimiler les thèmes et les fils conducteurs, mais aussi d’en délimiter les contours. Ce qui m’amène à aborder le sud de l’Espagne. La guerre civile qui y a fait rage juste avant la Seconde Guerre mondiale a permis à Hitler de mettre à l’épreuve ses nouvelles méthodes militaires.

C’est la seule photo qui nécessite que je prenne l’avion. De Malaga, je me rends à Baena, où j’ai réservé une chambre d’hôtel. La route qui mène à Baena, tout comme celle qui continue vers Albendín, est superbe. Des collines couvertes d’oliviers s’étalent de part et d’autre de la route sinueuse. Rien que du ciel bleu et du soleil. Le froid semble inexistant ici, l’animation aussi. C’est une sorte de ville côtière touristique sans attrait, où la saison ne commence jamais. Pour quelqu’un qui souffre d’agoraphobie, c’est une oasis de paix et de détente. J’ai l’impression d’avoir le droit d’exister, d’occuper une place. La route est à moi, le paysage est en moi. Je me sens autorisé à reprendre ma place dans le monde. L’espace d’un instant, je redécouvre ce que c’est que d’être en vie.

Après m’être enregistré à l’hôtel, je décide de poursuivre ma route jusqu’à Albendín, pour jeter un coup d’œil au site choisi. Alors que je marche en direction de la voiture, des Espagnols furieux me lancent des regards assassins. De toute évidence, je me suis très mal garé en plein centre-ville. Mu par mon enthousiasme retrouvé, je me suis manifestement approprié un espace un peu trop grand. Mais je ne ressens aucune culpabilité. Je décide simplement de faire plus attention aux panneaux en rentrant.

Connaissant par cœur les images satellites du verger, je reconnais sans difficulté le léger virage à droite près d’Albendín, où il faut ralentir avant d’emprunter le chemin de terre. Je gare la voiture au milieu des oliviers. Il s’agit sans doute d’une propriété privée, mais il n’y a personne à des kilomètres à la ronde. Une odeur âcre me saisit. Dans le fossé gît un renard mort. Un véritable festin pour des dizaines de mouches.

Je pique un sprint jusqu’en haut de la colline et trouve rapidement les bunkers. Ils sont disséminés, tels des œufs de Pâques en béton, dans le verger. Leur construction remonte à 1939, après la prise d’Albendín par les nationalistes. À travers un prisme stylistique, on peut y déceler des regards maléfiques. Pour une âme sensible, un regard peut s’avérer fatal. Je les sens en moi, ces regards qui me scrutent sans cesse. Ils me forcent à traverser la vie avec un sentiment de culpabilité, me privant de ma liberté de mouvement. Oui, je suis un gros froussard accablé par sa conscience, qui semble porter le poids du monde. Ce n’est pas la Terre qu’Atlas porte sur ses épaules mais toute la culpabilité du genre humain.

Sous ces latitudes ensoleillées, la lumière représentera une fois de plus un défi. Je profite encore un peu du beau temps et de la vue, avant de retourner à l’hôtel. Mon modèle est arrivé. Nous décidons de commencer le jour même afin de pouvoir profiter à la fois du crépuscule et de l’aube.

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