Julien Sunyé • Photography & Prints

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Day 426

English

I actually want to go to Strasbourg.  A place on a hill in a dense forest.  A spectacle of concrete and metal, the lines, the contrast between the materials …  and the promise of a chocolate croissant and coffee in a cardboard cup somewhere along the motorway.  I am beginning to allow myself small pleasures again.  In my recovery process, although I don’t yet understand what exactly this involves, it seems to be a sign that is a cause for optimism.  The winter weather is difficult to predict, however.  Plans are adjusted, postponed and then on top of that I go down with flu.  The plans change to something closer to home.  A place that is not without significance: the Grebbeberg.  In 1940 the German invasion met with fierce resistance here.  Many died there.  It is unimaginable, young Dutch and German men opposite one another, shooting one another, robbing one another of life, for an idea.  Someone else’s idea, nota bene.  And, above all, a particularly bad idea.

There is no trace of this dizzying thought or of the atrocities of 1940.  Nature, as I have already contended, is involuntary and forgiving.  The blood that flowed here was absorbed by the earth long ago.  The trees continued to grow, the dead were buried and will undoubtedly soon be completely forgotten.  So that, without remorse or hesitation, we can do it all over again.  This place has a profound serenity about it.  The trees are tall, they form a natural cathedral.  A divine shelter.  My footsteps are muffled by the autumn leaves on the ground.  Mist is hanging between the trees, restricting the field of vision.  I have stepped into a cocoon in which I see no one and no one sees me.

There is nature, peace, a regular beat of a heart, my heart, and the breathing of the trees. Between the white mist and the red glow of the autumn leaves on the ground, I walk round a black concrete box with three even blacker holes.Holes that were filled with deadly artillery back then. I drift off in thought … Hoping that the trigger won’t be pulled, abandoning fear, draping yourself in the warmest, most forgiving and loving embrace over the tormented soul that is about to burst, because if anyone has to die, I’d rather it were me.We will take the photo tomorrow; the mist will hopefully prove to be a more reliable weather factor than the snow.

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French

Je veux vraiment aller à Strasbourg. Un site situé sur une colline, dans une forêt dense. Une étendue de béton et de métal, des lignes, le contraste des matériaux... et la promesse d’un pain au chocolat et d’un café servi dans un gobelet en carton quelque part au bord de l’autoroute. Je recommence à m’autoriser de menus plaisirs. Il me semble que dans mon processus de rétablissement, c’est un signe qui invite à l’optimisme, même si je ne comprends pas encore vraiment ce qu’il représente. Le temps hivernal n’est pas garanti, en revanche. Le projet est maintes fois ajusté, reporté, avant que je ne sois cloué au lit par la grippe. Je finis par me rabattre sur un site plus près de chez moi, et non des moindres : le Grebbeberg. C’est ici qu’en 1940, l’invasion allemande s’est heurtée à une résistance farouche, entraînant un grand nombre de morts. Il est inconcevable d’imaginer de jeunes Néerlandais et Allemands se faisant face, se tirant dessus, s’ôtant la vie, pour une idée. L’idée de quelqu’un d’autre. Et une très mauvaise idée, qui plus est.

Il ne subsiste aucune trace de cette pensée terrifiante ni des atrocités de 1940. Comme je l’ai déjà dit, la nature est instinctive et indulgente. Le sang versé ici a imprégné la terre depuis longtemps. Les arbres ont continué à pousser, les morts ont été enterrés et seront sans doute bientôt complètement oubliés. Pour que, sans remords ni scrupule, nous puissions tout recommencer. Cet endroit dégage une sérénité profonde. Les arbres, majestueux, forment une cathédrale naturelle. Un abri divin. Mes pas sont étouffés par les feuilles d’automne qui jonchent le sol. La brume s’accroche aux branches et limite mon champ de vision. Je viens de pénétrer dans un cocon dans lequel je ne vois personne et personne ne me voit.

Il y a là la nature, la paix, le battement régulier d’un cœur – le mien – et le souffle des arbres. Avançant dans la brume blanche à la lueur rouge des feuilles automnales éparpillées sur le sol, je fais le tour d’une boîte en béton noir percée de trois trous encore plus sombres. Des trous qui autrefois dissimulaient des pièces d’artillerie meurtrières. Je laisse mes pensées dériver… Espérer que la gâchette ne sera pas pressée, abandonner sa peur, sentir son âme tourmentée, sur le point d’éclater, être enveloppée dans l’étreinte la plus chaleureuse, la plus indulgente et la plus aimante, parce que si quelqu’un doit mourir, je préfère que ce soit moi. Nous prendrons la photo demain, en espérant que le brouillard se montrera plus prévisible que la neige.

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