Julien Sunyé • Photography & Prints

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Day 64

English

After the First World War, the French border was shifted towards the Rhine again.  In order to prevent France from being trampled on by Germany in the event of a new war, a new defensive line was built along the border with Belgium as far as the Mediterranean Sea.  This was intended to force Germany to divert its troops around the line, thereby placing a part of the battlefield outside of France.

Over the course of the centuries, fortifications are given ever-thicker walls, and the guns that are let loose on them have ever-larger calibres.  After the Second World War, the next step in this race is that of the nuclear weapon.  One of the reasons why the forts are finally totally decommissioned.  This war may be over, but no wall will now be thick enough for the next one.

The Galgenberg fortification lies under a hill in the middle of the forest around Cattenom, on the border with Luxembourg, and forms part of the defences around Metz.  I have seen a photo of the place that I want to photograph but have not managed to locate it precisely on a map.  I drive around instinctively to the north of Cattenom, walk into a meadow now and then, up a hill.

Here, too, giant metal mushrooms in the ground: the armoured gun turrets and observation posts, but smaller than the flying saucer of Fort Souville near Verdun.  I sink deep into the mud.  The sun has already set.  I look for the photo location in the twilight and time is pressing.  When the light has gone, I will have to stop looking and the model is already on her way.

I am expecting to see one of the gun turrets in the foreground, with the Cattenom nuclear power plant in a line behind it.  I should be close.  I try on the other side of the hill, park my car at the entrance to a fort and take a small sandy path up a hill.  In the last remaining light of dusk, I finally find the spot with, sure enough, in the background the four cooling towers of the power station.  Site found, off to the hotel.

I browse around a bit in the lobby.I’m not sitting in isolation in a forest, or cooped up in my car.There are people around and yet I don’t feel in danger.It is as if working on the project has become a cocoon in itself within which nothing can happen to me.  As long as I am working on this, I am safe.  Early the following morning, I return to the fort to park the car.  The ladder accompanies me up the hill.  It is freezing.  The ladder becomes ice-cold in the blink of an eye and tortures my fingers.

All four of the power station’s cooling towers are serenely pushing their steam out into the sky.  An imposing cloud formation fills the frame.  The passing of time is tangible in the patinated surface of the armour.  Time has set its teeth in the concrete construction that has cracked in places, and small plants have begun to grow against it.  The night has frozen a thin layer of dew on the blades of grass and between the pebbles.  The frozen ground reflects the sky and infuses the entire scene with a calming blue.

In order to bridge the distance between the model and the power station, the photo has to be made with a telephoto lens.  I put the ladder down about seventy metres from the model.  I strongly advise against the use of a general household ladder on a slope.  The whole thing becomes quite unstable, especially once you’re standing at the top of it.  It is not easy to communicate with the model across this distance and in the freezing cold, but the model in question is a seasoned professional. 

In the foreground a neglected piece of fortified bunker, in the background the continuation of the same dynamic but then, as history prescribes, even bigger and more imposing.And between the violent past and the future that is absorbed by ever bigger, ever more, the human being who must adopt a pose.Who but a stoic would do this?

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French

À l’issue de la Première Guerre mondiale, la frontière française est déplacée sur le Rhin. Pour éviter que la France ne se retrouve envahie par l’Allemagne en cas de nouveau conflit, une nouvelle ligne de défense est construite le long de la frontière avec la Belgique, courant jusqu’à la mer Méditerranée. L’objectif est de forcer l’Allemagne à détourner ses troupes devant cette ligne, et donc à repousser une partie des combats hors du territoire français.

Au fil des siècles, les fortifications sont dotées de murs de plus en plus épais, et le calibre des obus qui s’y abattent augmente sans cesse. Après la Seconde Guerre mondiale démarre une autre course : celle à l’arme nucléaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles les forts finissent par être délaissés. Cette guerre est peut-être terminée, mais aucun mur ne sera assez épais pour affronter la prochaine.

L’ouvrage du Galgenberg se trouve au pied d’une colline, au milieu du bois de Cattenom, à la frontière avec le Luxembourg, et fait partie de la ligne Maginot. J’ai vu l’endroit que je veux photographier en photo, mais je n’ai pas réussi à le localiser sur une carte. Je roule à l’instinct vers le nord de Cattenom, je déambule dans une prairie, je grimpe une colline.

Ici aussi, des champignons métalliques géants abondent sur le sol – des tourelles d’artillerie blindées et des postes d’observation – mais plus petits que la soucoupe volante du fort de Souville, près de Verdun. Je m’enfonce dans la boue. Le soleil est déjà couché. Je cherche le lieu de la photo dans la pénombre, sachant que le temps presse. Lorsque la lumière aura totalement disparu, je serai obligé d’arrêter, sans oublier mon modèle, qui est déjà en route.

Je m’attends à voir surgir devant moi l’une des tourelles d’artillerie avec, en toile de fond, la centrale nucléaire de Cattenom. Je ne dois plus être très loin. Je tente ma chance sur l’autre versant. Je gare ma voiture devant l’entrée d’un fort et j’emprunte un petit chemin sablonneux qui serpente jusqu’en haut de la colline. Dans les dernières lueurs du crépuscule, j’aperçois enfin l’endroit recherché, avec en arrière-plan les quatre tours de refroidissement de la centrale nucléaire. Emplacement trouvé, direction l’hôtel.

Je m’attarde un peu dans le vestibule. Je ne suis plus seul dans la forêt, ni cloîtré dans ma voiture. Il y a des gens autour de moi, et pourtant je ne me sens pas en danger. C’est comme si mon travail sur ce projet m’avait prodigué un cocon dans lequel rien ne peut m’atteindre. Tant que je me concentre dessus, je suis en sécurité. Tôt le lendemain matin, je retourne au fort pour y garer la voiture. L’échelle m’accompagne dans mon ascension. Il fait froid. Le métal glacé ne tarde pas à me faire mal aux doigts.

Les quatre tours de refroidissement de la centrale nucléaire crachent tranquillement leur vapeur dans le ciel. D’imposants nuages remplissent le cadre. Le passage des ans est visible dans la surface patinée de l’enveloppe. Le temps a rongé la construction en béton, qui s’est fissurée par endroits, et de petites plantes ont colonisé les lieux. La nuit a déposé une fine couche de rosée gelée sur les brins d’herbe et dans les interstices entre les cailloux. Le sol glacé reflète le ciel et teinte la scène d’un bleu apaisant.

Afin de réduire la distance entre mon modèle et la centrale, la photo doit être prise avec un téléobjectif. J’ai installé mon échelle à environ soixante-dix mètres du mannequin. Je déconseille fortement à quiconque d’utiliser une échelle domestique sur une surface inclinée. Une fois en haut, l’ensemble devient très instable. Avec l’éloignement et le froid glacial, la communication avec mon modèle n’est pas aisée, mais c’est une professionnelle chevronnée.

Au premier plan, un morceau abandonné de bunker fortifié ; à l’arrière-plan, l’expression de la même dynamique mais sous une forme encore plus grande et plus imposante, comme le veut l’Histoire. Et entre ce passé violent et l’avenir régi par la course en avant et la surenchère, l’être humain qui doit se frayer un chemin. Qui d’autre qu’un stoïque en serait capable ?

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