Day 1

English

As if it had fallen from the sky and landed on its side on the beach.  Imperturbable, recalcitrant.  Sometimes in the middle of the surf, and then on a vast area of desolate beach.  To the rhythm of the sea breathing in and out.  Like a stranded remnant of the ravages of time.

In early 1995 it was still standing at the top of the cliff but, because the sea was eroding more and more of the rocks, the fire brigade was ordered to take the structure down.  By means of digging and spraying, the ground beneath the bunker was beaten away, after which it slid down and landed there among the pebbles.

The bunker itself dates from the Second World War and formed part of the Atlantic Wall, the great network of fortifications that was intended to protect the west coast of the ‘Thousand-Year Reich’ against an Allied invasion.  This ‘wall’, thousands of kilometres long, runs from the North Cape in Norway to the French-Spanish border.  The first positions were originally built to support the invasion of England, Operation Sea Lion.  The invasion that was postponed time and again because the Germans failed to destroy the Royal Air Force, and it in the end it never happened.

As the year 1941 progresses, the importance of the defence of the west coast increases.  Germany is by then not only at war with the Soviet Union but has also declared war on the United States.  The decision to reinforce the entire west coast is taken in December 1941.  Thousands of construction sites appear on the coast where ultimately hundreds of thousands of people, whether forced or not, labour in appalling conditions.

The German bunkers were standardised over the course of the years so that they could be built quickly and efficiently.  They are identified by so-called ‘Regelbau’ or standard design types.  The type on the photo is probably Regelbau 621 or 622.  The entire coastline is littered with bunkers for artillery, radar stations, shelters for troops, harbour defences, concrete moorings for submarines, covered dry docks, foxholes, anti-aircraft defences, launch pads for V2 rockets.

Just like the bunker I’m standing in front of, my life also slipped down a slope at a certain time and landed on its side in the sand.  For years, it didn’t seem to start moving again.  I always thought that I was going somewhere with my life.  But at a certain moment you realise that you were only going round in circles all that time on a road without any exits.

It is ultimately only after the fact that a person realises which path their life has taken.  Perhaps it is only afterwards that you realise what your destination has been all that time.  In any case, I had been here in Normandy before.  Years ago.  And if I hadn’t decided a few months ago, on a sudden inspiration, to drive through the battlefields of Verdun, I would not have been standing here again today.  A beach, chalk cliffs, a calm sea, a stranded concrete block.  Here, I begin a new attempt to pry things loose, to set them in motion again.

For this first photo, I have found a model in Paris.  I went to Amsterdam beforehand to collect my car and my ladder.  The first shoot goes well, but I feel unsure about the result.  Where is this going?  I head off immediately after the shoot.  I follow the coastline towards the Channel Islands, in search of the next location.

Along the way, I become gripped by travelling along deserted country lanes, walking through forests in search of cracks in the ground and pieces of concrete among the bushes, the complete isolation, with the exception of my ladder, which proves to be a particularly taciturn yet loyal companion.  At this time, I’m not yet aware that the triptych that I have in mind will result in a veritable pilgrimage past the most fascinating concrete remains, remote forests, empty beaches, and even Alpine plateaus, and that I will only regard this project as being complete a good year and a half later.

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French

Comme s’il était tombé du ciel et avait atterri sur le flanc, sur la plage. Imperturbable, récalcitrant. Tantôt au milieu de la mer, tantôt sur une vaste étendue de sable désolée. Au rythme du ressac des vagues. Tel un vestige échoué des ravages du temps.

Au début de 1995, il se dressait encore au sommet de la falaise, mais comme l’eau érodait de plus en plus la roche, les pompiers ont reçu l’ordre de démonter la structure. Ils ont creusé et pulvérisé le fond du bunker, qui a glissé et a atterri dans les graviers.

Le bunker lui-même date de la Seconde Guerre mondiale et faisait partie du mur de l’Atlantique, un vaste réseau de fortifications conçu pour protéger la côte ouest de l’« Empire de mille ans » d’une invasion alliée. Ce « mur », long de plusieurs milliers de kilomètres, s’étend du cap Nord en Norvège jusqu’à la frontière franco-espagnole. Les premiers postes de défense ont été initialement construits pour soutenir l’invasion de l’Angleterre dans le cadre de l’opération Lion de mer. L’invasion, qui présupposait la destruction de la Royal Air Force, n’a finalement jamais eu lieu.

Au fil de l’année 1941, l’importance de la défense de la côte ouest devient croissante. L’Allemagne n’est pas seulement en conflit avec l’Union soviétique, mais a également déclaré la guerre aux États-Unis. La décision de fortifier l’ensemble de la façade ouest est prise en décembre 1941. Des milliers de chantiers se développent le long des côtes, où des centaines de milliers de personnes sont contraintes de travailler dans des conditions épouvantables.

Les bunkers allemands ont été normalisés au fil des ans afin de rendre leur construction rapide et efficace. Ils sont dits de type Regelbau. Celui sur la photo est probablement un Regelbau 621 ou 622. Toute la côte est jonchée de bunkers d’artillerie, de stations radar, d’abris pour les troupes, de défenses portuaires, de quais d’amarrage en béton pour les sous-marins, de cales sèches couvertes, de « trous de renard », de canons anti-aériens ou encore de bases de lancement de roquettes V2.

À l’instar du bunker devant lequel je me trouve, ma vie a dévalé une pente et a atterri sur le flanc dans le sable. Pendant des années, elle a semblé immobile. J’ai toujours pensé que ma vie avait un but. Mais à un moment donné, on réalise que pendant tout ce temps, on n’a fait que tourner en rond sur une route sans issue.

En fin de compte, ce n’est qu’a posteriori que l’on peut apprécier le tournant qu’a pris notre vie. Il faut peut-être un certain recul pour savoir quelle était notre destination depuis le début. En tout cas, je suis déjà venu ici, en Normandie. Il y a des années. Et si je n’avais pas décidé, sur un coup de tête, de traverser les champs de bataille de Verdun en voiture il y a quelques mois, je ne serais pas là aujourd’hui. Une plage, des falaises de craie, une mer calme, un bloc de béton figé. C’est ici que j’entreprends une nouvelle tentative de dénouer les choses, de les remettre en mouvement.

Pour cette première photo, j’ai trouvé un modèle à Paris. Auparavant, j’étais allé récupérer ma voiture et mon échelle à Amsterdam. La première séance se passe bien, mais je ne suis pas sûr du résultat. Où est-ce que ça va me mener ? Je reprends immédiatement la route. Je longe la côte en direction des îles anglo-normandes à la recherche du prochain emplacement.

Peu à peu, je me prends au jeu de mes pérégrinations sur des routes de campagne désertes, de mes promenades en forêt à la recherche de fissures dans le sol et de morceaux de béton dissimulés dans les buissons, de mon isolement total, à l’exception de mon échelle, qui s’avère être une compagne aussi taciturne que fidèle. J’ignore encore que le triptyque que j’ai en tête aboutira à un véritable pèlerinage ponctué de vestiges de béton envoûtants, de forêts reculées, de plages désertes et même de plateaux alpins, et que je ne considérerai le projet comme achevé qu’un an et demi plus tard

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