Day 16
English
As a result of all that violence, not much was left of the surroundings after the war other than earth ploughed up by grenades, huge craters and fields polluted with heavy metals. Millions of trees were planted after the war to commemorate it. The battlefields of Verdun are therefore particularly leafy nowadays. Although the new war, the one against the earth itself, is hanging over the existence of this green oasis like a sword of Damocles.
Outside the tourist seasons, it is a particularly quiet area. During my explorations, I only meet a single rambler. I am looking for the armoured gun turret of Fort Souville. After a short walk along an unpaved path, I reach a clearing in the forest. The enormous dome makes you think of a futuristic extra-terrestrial flying saucer rather than a military construction that is more than a hundred years old. There is a certain harmony between the refined circular shape, devised by man with the aim of surviving by killing, and the organic shapes of the graceful branches of the trees surrounding it. So much so that the violent character of the enormous colossus is, as it were, being concealed from view. The turret is covered with soft moss here and there and seems to have become an inseparable part of nature.
The entire turret could be raised by means of a hydraulic system. The gun barrel then became visible. During the war, 600 grenades were fired from this point, until one of the grenades exploded in the barrel, putting the whole thing out of action. My first attempt at taking a photo fails. My ladder is not long enough, which means that my perspective does not come from high enough, and in addition the surface is so cold that the model cannot lie on it.
Months later, I return with another model, a longer ladder and even colder weather. That morning, the woods are covered with a thick layer of frost. We drive through a fairy tale scene on the way to the location in the forest. Everything is sparkling white, from the earth up to the tops of the trees that reach to the sky. The risen sun melts the frost quickly. The irregular drip of the melting ice is audible everywhere in the forest and announces the inevitable and forthcoming arrival of warmth and life. It makes me unsettled. I would prefer to see the world remain frozen for a little while longer, so that it doesn’t continue without me, because I don’t have the strength to keep up with it.
French
Au lendemain de ce déchaînement de violence, la région se réduisait à de la terre labourée par les obus, de grands cratères et des champs pollués par des métaux lourds. Des millions d’arbres furent plantés en mémoire des combats. C’est la raison pour laquelle les champs de bataille de Verdun sont aujourd’hui particulièrement verdoyants. Bien que la nouvelle guerre, celle menée contre la terre elle-même, pèse désormais comme une épée de Damoclès sur l’existence de cette oasis de verdure.
En dehors des saisons touristiques, c’est un secteur très calme. Au cours de mes explorations, je ne croise qu’un seul randonneur. Je suis à la recherche de la tourelle blindée du fort de Souville. Après une courte marche le long d’un sentier, me voilà dans une clairière. L’immense dôme évoque davantage une soucoupe volante futuriste qu’une construction militaire plus que centenaire. Il y a une certaine harmonie entre sa forme circulaire épurée, conçue par l’homme dans le but de survivre en tuant, et les lignes organiques des gracieuses branches d’arbres qui l’entourent. Le caractère violent de l’énorme colosse échappe ainsi en quelque sorte au regard. La tourelle est recouverte çà et là de mousse tendre et semble s’être totalement fondue dans la nature.
Grâce à un système hydraulique, la tourelle pouvait se soulever intégralement, dévoilant à la vue le canon de l’arme. C’est par là que six cents obus ont été tirés pendant la guerre, jusqu’à ce que l’un d’eux explose dans le canon et mette l’ensemble hors service. Ma première tentative de prise de vues est un échec. Mon échelle n’est pas assez haute pour m’offrir une perspective satisfaisante en plongée, sans parler de la surface si froide que mon modèle ne peut pas s’y allonger.
Quelques mois plus tard, je reviens avec un autre modèle et une échelle plus haute, par un temps encore plus froid. Ce matin-là, les bois sont recouverts d’une épaisse couche de givre. En chemin, nous traversons une scène féérique. Tout est d’un blanc éclatant, depuis la terre jusqu’aux cimes des arbres. Le soleil levant fait rapidement fondre le givre. Le ruissellement irrégulier de la glace qui fond se fait entendre dans toute la forêt, annonçant l’arrivée imminente et inévitable de la chaleur et de la vie. Ça me perturbe. Je voudrais que le monde reste figé encore un moment, je ne veux pas qu’il continue sans moi qui n’ai pas la force de le suivre.