Day 344
English
Belgium. I have often driven through, on my way to Verdun or somewhere else in France, but I have not yet taken a photo there for this project. The idea of a triptych, where it all began, is long gone. My addiction to running away from home and my obsession with finding the most interesting locations now knows no bounds. In order to bring some more equilibrium into the series, in a geographic and historical sense, Belgium must certainly be included. It has a huge amount to offer in terms of locations. I study many sources in search of hints for places that may be extra significant and, at the same time, also offer a visual reference point.
Eventually, I come across a photo showing a collapsed bunker, rough blocks of rock with in between them an enormous armoured gun turret that has folded in on itself. After the one at Siouville, it is the biggest I have seen. The scene makes me think of the painting The Birth of Venus by the Italian artist Botticelli. Only Venus is missing. Although the painting depicts the arrival of Venus at the shore, the connection with a birth is still established via the title.
A photo in this spot could be the most literal expression of what I want to convey through this project. The only problem is that, unlike all the other locations I have visited until now, this is a museum that you can’t simply walk into with a small group of people and all kinds of equipment, just to take a photo. I approach the association that manages the fort and explain what I am doing. I travel down to meet the manager so that I can also give an explanation in person and can already visit the location. They are not opposed to my proposal for a photo but because nudity is involved it will have to be discussed internally.
I join a guided tour and learn that the situation with the backdrop for the photo that I have in mind was created in 1914, at the beginning of the First World War. Germany invades Belgium on 4 August 1914 in an attempt to attack France from the north. Belgium, however, puts up fierce resistance and delays the Germans for days. The stronghold of Liège, with its 12 forts, is bombarded for days. The forts are taken, one after the other.
Loncin is one of the last to surrender, but only after a grenade hit the ammunition depot, which blew about half of the fort metres into the air, including the heavily armoured gun turrets. Hundreds of people were buried alive. That makes the fort not only a museum but also a necropolis and a memorial site.
One day, the good news arrives. The photo may be taken, but it must be in the morning before opening time. That’s wonderful. The earlier it is, the better the light and indeed, the idea that the photo does not have to be taken while a group of visitors is strolling by is also reassuring. It is not so easy to find a model who looks like Venus, with long red hair. And for this photo a make-up artist and hair stylist are absolutely necessary. After Resia, this is the most difficult photo in terms of logistics. The model is flying from England to Belgium. I pick the stylist up myself in Utrecht. We meet in a hotel near Liège.
The following morning, the model and the stylist work for hours to get the hair right. After that, the three of us drive to the museum. It is drizzling. To the horror of the stylist, because of the effect of the miniscule droplets on the hair that has just been carefully put in position. It takes a bit of puzzling to find the exact spot where the model can best stand, but after a while the pose in combination with the composition seems right. The resemblance to the painting is obvious. Only the snow is missing.
In the weeks that follow, I follow the weather reports closely. One day, snow is forecast. I contact the museum again and explain that I need the same photo, but now with snow. I go to Liège again. Stay the night in the same hotel. When I wake up, there is barely one millimetre of snow, but a white haze is visible. I set off for the museum immediately and take the same photo, now with snow, but without a model.
At home, I will lay the images over each other so that, despite global warming and the slow but sure disappearance of snow from our memory, I can create the image as I visualised it: a birth of new life on the foundations of destruction.
French
La Belgique. Je l’ai souvent traversée en voiture, en me rendant à Verdun ou ailleurs en France, mais je ne m’y suis encore jamais arrêté dans le cadre de ce projet. L’idée de triptyque initiale a été enterrée depuis longtemps. Mon penchant pour les fugues et mon obsession à trouver les endroits les plus insolites ne connaissent plus de limites. Afin d’apporter à la série une certaine cohérence géographique et historique, la Belgique doit absolument y figurer. Elle a beaucoup à offrir en termes de sites. J’étudie de nombreuses sources à la recherche d’indices sur des lieux particulièrement emblématiques, qui pourraient constituer un point de référence visuel.
Je finis par tomber sur une photo montrant un bunker éventré, des blocs de roche grossiers avec, au milieu, une énorme tourelle blindée effondrée sur elle-même. Après celle de Siouville, c’est la plus grande qu’il m’ait été donné de voir. La scène me fait penser à La Naissance de Vénus peinte par l’Italien Botticelli. Seule Vénus manque à l’appel. Bien que ce tableau représente Vénus émergeant de la mer, le lien avec la naissance est établi par le titre de l’œuvre.
Une photo prise ici pourrait constituer l’expression la plus aboutie de ce que je souhaite transmettre à travers ce projet. Le seul problème est que, contrairement à tous les autres endroits où je me suis rendu jusqu’à présent, il s’agit d’un musée où l’on ne peut pas pénétrer avec un groupe de personnes et tout un tas d’équipements pour prendre une photo. Je contacte donc l’association qui gère le fort et leur explique mon travail. Je fais même le déplacement pour rencontrer le responsable afin de lui exposer personnellement la situation et de visiter le lieu. Le gestionnaire n’est pas contre ma proposition, mais comme il est question de photo de nu, il devra recourir à une consultation interne.
Je participe à une visite guidée au cours de laquelle j’apprends que le scénario que je projette d’utiliser comme toile de fond s’est réellement joué en 1914, au tout début de la Première Guerre mondiale. L’Allemagne envahit la Belgique le 4 août 1914, dans le but d’attaquer la France par le nord. La Belgique oppose alors une résistance farouche et parvient à retarder les Allemands de plusieurs jours. La place de Liège, avec ses 12 forts, est assiégée pendant plusieurs jours. Les forts sont pris les uns après les autres.
Loncin est l’un des derniers à se rendre, mais seulement après qu’un obus a frappé son dépôt de munitions, projetant la moitié du fort à plusieurs mètres dans les airs, y compris les lourdes tourelles blindées. Des centaines de corps gisent sous les décombres. C’est la raison pour laquelle ce fort est devenu non seulement un musée, mais aussi une nécropole et un site commémoratif.
La bonne nouvelle finit par arriver. Je vais pouvoir photographier dans le fort, mais impérativement le matin, avant son ouverture au public. C’est formidable ! Plus on s’y prend tôt, meilleure est la lumière, et l’idée que la photo ne devra pas être prise pendant qu’un groupe de visiteurs déambule me rassure. Trouver un modèle ressemblant à Vénus, avec de longs cheveux roux, n’est pas chose aisée. Sans parler du fait qu’il faudra un maquilleur et un coiffeur cette fois. D’un point de vue logistique, ce sera la photo la plus compliquée à prendre après celle de Resia. Mon modèle arrive d’Angleterre par avion. Je passe chercher le coiffeur à Utrecht. Nous nous retrouvons tous dans un hôtel près de Liège.
Le lendemain matin, mon modèle passe plusieurs heures entre les mains du coiffeur pour obtenir une coiffure parfaite. Nous prenons ensuite tous les trois la direction du musée. Il y a de la bruine. Au grand dam du coiffeur, qui voit les minuscules gouttelettes ruisseler sur les cheveux qu’il vient d’arranger avec soin. Il nous faut un peu de temps pour trouver l’emplacement idéal du modèle, mais au bout d’un moment, la pose et la composition semblent être les bonnes. La ressemblance avec le tableau est saisissante. Il ne manque que la neige.
Dans les semaines qui suivent, je surveille de près les prévisions météorologiques. On annonce enfin des précipitations neigeuses. Je recontacte le musée et leur explique que j’aurais besoin de prendre la même photo, mais avec de la neige. Je retourne donc à Liège, où je passe la nuit dans l’hôtel où j’avais séjourné la première fois. À mon réveil, il y a à peine un millimètre de neige, mais une brume blanche s’est formée. Je me rends immédiatement au musée et prends la même photo, avec des flocons mais sans modèle cette fois.
De retour chez moi, je superposerai les deux photos de sorte que, en dépit du réchauffement climatique et de l’effacement lent mais inexorable de la neige de nos mémoires, je puisse recréer l’image que j’avais visualisée ; une renaissance sur des fondations en ruine.