Day 314
English
Apart from a few skirmishes, Switzerland did not become involved in the conflict of both World Wars. That does not mean that these wars did not leave any traces behind. The Nazis did have a plan to invade Switzerland, but in the end never carried it out. The Swiss, in turn, had taken the necessary measures to repel an attack. Many bunkers and barriers were constructed during the Second World War.
A law was passed in Switzerland to protect these structures from disappearing, because they may have a cultural, historical, or aesthetic value. One of the structures that is explicitly mentioned is the anti-tank barrier near Wimmis. Among green fields between the rugged mountains, a straight line of black dragons’ teeth, five rows wide, glitters in the sun. They are concrete sculptures shaped like Toblerones. A small metal ring sticks out of the top of these small black pyramids. I imagine that this was used to hoist them into the field and to manoeuvre them into position.
I had been in Switzerland before, but I had never before driven so far into the hinterland. The wide green plateaus surrounded by snow-covered mountains are impressive. What a luxury to behold this natural beauty. We arrive in Wimmis far too early. The sun is still very high in the sky. It will certainly be a few hours before we can take a successful photo, but the surroundings are beautiful enough to while away the hours in a pleasant way. For most of the locations, I have a specific image in mind in advance, but sometimes not. Other times, it turns out that the idea I have in mind doesn’t work well in practice. Today, we try out lots of things.
Over time, some chemistry starts, the model gets into her own flow.A dreamlike image emerges that I could not have imagined ahead of time, but now that I see it, I know, this is it.It reminds me of the fact that we are born into an environment that we cannot choose, surrounded by obstacles that are too big for us, or for which we are still too small. There is no escaping this, no way out.And yet we need to go on.Sometimes the only possibility is then to lie on your back in the grass and to gaze at the clouds high and safe in the sky and to drift away in a dream world.An image that we can hold on to. It is years later now, but I still feel as small as I did then.In fact, it is as if I have not grown, but as if the obstacles have become larger.And what’s more, I am still lying on my back in the grass, staring at the sky, with no idea of what is happening in my surroundings.Perhaps it is time to bring my head out of the clouds.
French
À l’exception de quelques escarmouches, la Suisse n’a pas pris part aux deux guerres mondiales. Cela ne signifie pas pour autant que ces conflits n’y ont pas laissé de traces. Les nazis avaient bien un plan pour envahir la Confédération helvétique, mais ils ne l’ont jamais mis à exécution. Les Suisses avaient quant à eux pris les mesures nécessaires pour repousser toute attaque, en construisant de nombreux bunkers et barrages pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le Parlement suisse a adopté une loi visant à protéger ces structures de la démolition, car elles présentent une valeur culturelle, historique ou esthétique. L’un des ouvrages explicitement mentionnés dans cette loi est la barrière anti-char de Wimmis. Une ligne nette de dents de dragon noires, large de cinq rangées, se dresse au milieu des champs verdoyants et des montagnes accidentées, scintillant au soleil. Il s’agit de sculptures en béton en forme de Toblerones. De petits anneaux métalliques dépassent du sommet de ces pyramides noires. J’imagine qu’ils ont servi à les hisser dans le champ et à les mettre en place.
J’étais déjà venu en Suisse, mais je n’avais jamais poussé aussi loin à l’intérieur du pays. Les vastes plateaux verts entourés de montagnes enneigées sont impressionnants. Quel luxe de pouvoir contempler toute cette beauté naturelle ! Nous arrivons beaucoup trop tôt à Wimmis. Le soleil est encore très haut. Il faudra certainement attendre quelques heures avant de pouvoir prendre une bonne photo, mais les environs sont suffisamment beaux pour tuer le temps de manière agréable. Dans la plupart des cas, je pars avec une image précise en tête, mais pas toujours. D’autres fois, l’idée que j’avais ne fonctionne pas comme je l’aurais souhaité. Aujourd’hui, nous essayons et nous échouons.
Au fil du temps, une certaine alchimie opère, le modèle prend ses marques. Une image onirique émerge, que je n’aurais pas été capable de former plus tôt, mais maintenant qu’elle s’impose à moi, je sais que c’est la bonne. Cela me rappelle que nous sommes nés dans un environnement que nous n’avons pas choisi, confrontés à des obstacles qui sont trop grands pour nous, ou face auxquels nous sommes trop petits. Il n’y a pas d’échappatoire, pas d’issue possible. Et pourtant, nous devons continuer. Parfois, la seule option est de s’allonger sur le dos dans l’herbe, de fixer les nuages dans le ciel et de se laisser transporter dans un monde de rêve. Une image à laquelle on peut se raccrocher. Nous voilà des années plus tard, et je me sens toujours aussi petit qu’à l’époque. En fait, c’est comme si ce n’était pas moi qui avais grandi, mais les obstacles qui se dressent sur ma route. Et en plus, je suis toujours allongé dans l’herbe, à scruter le ciel, ignorant ce qui se passe autour de moi. Il est peut-être temps de redescendre de mon nuage.