Day 77

English

I have driven along the entire northern Normandy coast when, towards nightfall, I am getting towards the end, on a slope with a view over a small harbour town by the sea.  My mobile is now connected to a British provider on the Channel Islands a little further away.  When it gets dark so quickly and I don’t know where I am going to sleep or eat, I am always overwhelmed by slight panic.  That’s what happens now.

I park the car at the harbour and walk to the hotel opposite the car park.  It is closed.  The restaurant is shut. There is less and less of the twilight left.  These are the worst moments.  When I feel completely alone, and totally uncertain of my ability to look after myself.  Fortunately, there is a small village a few minutes’ drive further, Les Pieux, with a hotel.

At the reception desk, I ask for a room.  They assume that I work at the Flamanville nuclear power plant and are therefore not surprised by my arrival in this hamlet.  There are more than enough rooms.  I have a roof over my head and I can probably still find something to eat in the village.  The slight panic that had gripped me has disappeared.  I leave the hotel in good spirits.

There are indeed several places to eat in the main street that I walk all the way along to the end.  On the corner there is a small house with thin steamed-up windows.  It’s jam-packed inside.  I decide to take a look.  It is the village bar and it wouldn’t surprise me at all if the power station is having their Friday afternoon drinks here.  I am immediately drawn into the group.  They assume that I am a new colleague.

When I explain that I am looking for bunkers, they frown for a moment at first.  ‘Bunkers, we have enough of those here, I even have one in my back garden,’ the man who is the life and soul of the party informs me.  After a few beers, a takeaway pizza and two crazy rides with a driver who’s had far too much to drink, one trip to the back garden in question and one back again, I lie in my hotel room recovering from the most violent panic attack in ages.

If there was a moment when I thought my time had come, then it was this evening, and not so much because of the wild car ride.  No, that’s not how panic works.  It lurks in the smallest details.  Something that is an insignificant element for one person brings the greatest existential fear up from the depths of the subconscious for someone else.  Despite all the good intentions of my hosts, I was convinced that my final hour had come.  It was a special evening, but I’m glad it’s over and that I am lying safely in bed and can go to sleep.  From now on I will do everything completely alone again.

The fear must have pretty much exhausted me because I sleep deeply and feel fine when I wake up the next morning.  I drive back to the coast for a walk along the beach at Siouville-Hague.  The Atlantic Wall here is as if a giant has dropped a box of building blocks.  Here and there, enormous bunkers lie higgledy-piggledy in the sand.  With the tides, they are being sucked ever a bit deeper into the sea.  It really is a beautiful beach and the dunes beside it are also stunning.  The beach is wide and long.  The sea is calm.  There is no one else in sight.  I have the entire beach to myself.  The misery of the night before is soon forgotten.

I pose for a few photos myself but decide to return to Amsterdam and to come back later with a model.  I plan the shoot on a day for which both sun and rain are forecast.  The rain showers are short but heavy and the sun treats us to a double rainbow.  A little light from the still low-hanging sun skims along the crest of the dunes in the background.  We may have dug ourselves so far in out of self-preservation, but as long as we exist, there is always still hope for something better, whatever that may be. 

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French

Après avoir sillonné toute la côte nord de la Normandie, j’en atteins la pointe à la tombée de la nuit, sur une colline surplombant une petite ville portuaire. Mon téléphone est désormais connecté au réseau d’un opérateur britannique sur les îles anglo-normandes, juste en face. Lorsque la nuit tombe si vite que je n’ai même pas le temps de savoir où je vais dormir ou ce que je vais manger, je suis toujours pris d’une légère panique. C’est le cas à cet instant.

Je gare la voiture dans le port et marche jusqu’à l’hôtel qui se trouve en face. Il est fermé. Le restaurant aussi. Le crépuscule s’obscurcit de plus en plus. Ce sont les pires moments. Quand je me sens complètement seul, incertain de ma capacité à me prendre en charge. Heureusement, un petit village avec un hôtel se trouve à quelques minutes de route, Les Pieux.

Je demande une chambre à la réception. Ils doivent penser que je travaille à la centrale nucléaire de Flamanville et ne sont donc pas surpris de me voir débarquer dans ce hameau. Ils ont des chambres disponibles à foison. J’ai un toit au-dessus de la tête et je trouverai sûrement quelque chose à manger dans le village. La légère panique qui m’avait envahi tout à l’heure a disparu. Je quitte l’hôtel le sourire aux lèvres.

Il y a effectivement quelques restaurants dans la rue principale, que je parcours jusqu’au bout. Au coin se trouve une petite maison dont les fines fenêtres embuées laissent voir un intérieur plein à craquer. Je décide d’aller jeter un coup d’œil. Il s’agit du bar du village, et je ne serais pas étonné que les employés de la centrale nucléaire s’y retrouvent le vendredi soir. Je suis immédiatement happé par le groupe. Ils me prennent pour leur nouveau collègue.

Quand je leur explique que je suis à la recherche de bunkers, les hommes présents commencent par se renfrogner. « Les bunkers, on en a assez ici, j’en ai même un dans mon jardin », me lance le boute-en-train de la bande. Quelques bières, une pizza à emporter et deux courses folles en compagnie d’un conducteur ivre plus tard – la première jusqu’au jardin en question, la seconde pour en revenir –, je me retrouve dans ma chambre d’hôtel, en train de me remettre de la pire crise de panique que j’ai connue depuis longtemps.

S’il y a un moment où j’ai cru que ma dernière heure était arrivée, c’était bien ce soir, et pas tant à cause de notre folle échappée en voiture. Non, ce n’est pas comme ça que la panique fonctionne. Elle se cache dans les plus infimes détails. Un élément totalement insignifiant pour quelqu’un peut déclencher la plus grande peur existentielle chez un autre. Malgré les bonnes intentions de mes acolytes, j’étais convaincu que ma fin était proche. C’était une soirée très spéciale, mais je suis heureux qu’elle soit terminée et que j’aie retrouvé mon lit, où je peux m’endormir en sécurité. À partir de maintenant, je vais à nouveau tout faire tout seul.

La peur a dû m’épuiser car je dors profondément et me réveille en pleine forme le lendemain matin. Je retourne sur la côte pour une promenade le long de la plage de Siouville-Hague. Le mur de l’Atlantique m’apparaît désemboîté, comme si un géant avait laissé tomber une boîte de cubes. Ici et là, d’énormes bunkers sont plantés de travers dans le sable. La marée les entraîne toujours plus vers le large. Cette plage, longue et large, est vraiment belle, et les dunes qui la bordent sont elles aussi magnifiques. La mer est calme. Il n’y a personne d’autre en vue. La plage m’appartient. Mes malheurs de la nuit précédente sont vite oubliés.

Après quelques photos sur lesquelles je pose moi-même, je décide de retourner à Amsterdam et de revenir plus tard avec un modèle, un jour où l’on annoncera à la fois du soleil et de la pluie. Les averses, courtes mais intenses, cèdent la place à un double arc-en-ciel. La lumière dorée du soleil encore bas frôle la crête des dunes à l’arrière-plan. Nous nous sommes peut-être réfugiés dans ces profondeurs par instinct de conservation, mais tant que nous existons, il y a toujours l’espoir d’un mieux, quel qu’il soit.

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