Day 94

English

In search of new locations so I can continue working on the project, I can sometimes spend entire evenings peering at satellite images.  An additional advantage is that it keeps me at home, glued to a screen.  In my thoughts, I am travelling across the whole of Europe, but in reality I am safe, at a distance from everyone.  No risk of panic at all.  The distinction between living and surviving is blurring.

I follow hundreds of kilometres of Atlantic coast until I come across what looks like a pile of bunkers that have been swept together on the beach near Royan.  And a little further to the south there are four crash-landed flying saucers in formation.  I have never before seen shapes like these.  My curiosity is aroused and, still struggling with melancholy feelings, I yearn for a long, lonely drive along empty motorways.  So, not long after this discovery, I drive to Royan.

Little of the melancholy is left by the time I arrive.  It is sunny and quite warm for the time of year.  It is Valentine’s Day.  In the morning, I walk along the beach that is shrouded in a thick layer of mist.  The sky above is bright blue.  The sun creates a halo in the cloud in which I’m walking; a rainbow without colours.  Now and then, a bunker sunk in the sand surfaces from the mist.

These are very special weather conditions, but the shoot is not scheduled until tomorrow.  A beach with mist and sun, halos and bunkers, a beach without footprints too, because the sea has only just retreated.  For a photographer, it’s like being a child in a sweetshop when everything is free.  As if in a trance, I try to find the best angle, the best perspective, the most beautiful light.  After a while, another photographer emerges from the mist.  I am not the only one in the shop, and not the only person who is obsessed with my job.  A reassuring thought, but it’s always better to be alone.  I settle for the photos I have taken.  The real work has to start tomorrow anyway.  I walk back to the beginning of the beach to have something to eat.  I enjoy a lunch with a view over the sea and the bunkers.  The tables are covered with little hearts.

After lunch, I drive towards the north, to investigate what possibilities there may be to discover.  I pass deserted campsites, a fairground without visitors, a zoo.  Coastal towns that are more holiday resorts than anything else; they always have something soulless about them, especially outside the holiday season.  Apart from the fear of standing outside a closed restaurant with my stomach rumbling, that doesn’t make me at all unhappy.  I would be happy in a dystopia, when there is nothing left for anyone to find.  All I need is the warmth of the sun and my breathing.  And of course a restaurant, with a bit of luck.  The road is now going uphill slightly.  I park the car at the top of a plateau.  There is an enormous bunker at the side of the road, concealed in a lush forest with pine trees.  I have not encountered such a large structure before.  It is delightfully cool under the trees.  The sunlight reflects in the Atlantic Ocean and glitters in between the tree trunks. 

The session the next day is challenging.  After all, I’m trying to capture a picturesque palette in the images, so that they look more like a painting than a photo, but with the beautiful sunny weather and at this time of day it is almost impossible.  All the shadows lose definition or the highlights burst out of the spectrum.  By the time the sun is lower in the sky and the intensity of the light begins to lessen somewhat, the sea has recaptured the beach and has more or less submerged the bunkers.

A bunker complex to the south of Royan offers a solution.Close to the edge of a cliff, there is an enormous bunker.A perfectionistic curve with a dark slot behind which piercing eyes must have sat in the past.The winter sun has been warming the concrete all day.Nothing feels as good as concrete, covered with moss, and weathered for decades by the sea breeze, rain and heat, that releases its warmth into the palm of your hand in the calm of the evening.Right there, amidst that anonymous concrete, which gives off more warmth than most of the people we encounter in a human life, it is right there that I seek shelter.

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French

En quête de nouveaux endroits pour poursuivre le projet, je peux passer des soirées entières à visionner des images satellites. L’énorme avantage, c’est que cela me permet de rester chez moi, scotché à un écran. Dans ma tête, je voyage partout en Europe, mais en réalité, je suis en sécurité, à l’écart du monde. Aucun risque de panique. La distinction entre vie et survie s’estompe.

Je parcours des centaines de kilomètres sur la côte atlantique jusqu’à ce que je tombe sur ce qui ressemble à un tas de bunkers rassemblés sur une plage près de Royan. Une escadrille de quatre soucoupes volantes s’est écrasée un peu plus au sud. Je n’ai jamais vu de telles formes auparavant. Ma curiosité est piquée et, toujours en proie à la mélancolie, je me prends à rêver à un long voyage en solitaire sur des autoroutes désertes. Peu de temps après cette découverte, je me rends donc à Royan.

À l’arrivée, il ne reste pas grand-chose de ma mélancolie. Le temps est ensoleillé et assez chaud pour cette période de l’année. C’est la Saint-Valentin. Le matin, je marche le long de la plage enveloppée d’une épaisse couche de brume. Le ciel est d’un bleu éclatant. Le soleil diffuse un halo à travers le nuage qui surplombe ma tête ; j’aperçois un arc-en-ciel sans couleurs. De temps à autre, un bunker ensablé émerge du brouillard.

Des conditions météorologiques très particulières, donc, mais le shooting ne doit avoir lieu que demain. Une plage avec une alternance de brume et de soleil, de halos et de bunkers, sans la moindre trace de pas, car la mer vient tout juste de se retirer. En tant que photographe, je me sens comme un enfant dans un magasin de bonbons où tout serait gratuit. Pris dans une sorte de transe, je cherche le meilleur angle, la meilleure perspective, la plus belle lumière. Au bout d’un moment, un autre photographe émerge du brouillard. Je ne suis plus seul à écarquiller les yeux devant les friandises et à être obsédé par mon travail. Une pensée réconfortante, certes, mais je préfère la solitude. Je me contente des photos que j’ai prises. Après tout, le vrai travail doit commencer seulement demain. Je retourne au début de la plage pour avaler un morceau. Je profite d’un déjeuner avec vue sur la mer et les bunkers. Les tables du restaurant sont couvertes de petits cœurs.

Après le déjeuner, je roule vers le nord pour évaluer mes options. Je passe devant des campings vides, une fête foraine désertée, un zoo. Des villes côtières qui sont plus des centres de villégiature qu’autre chose ; des lieux sans âme, surtout hors saison. Hormis la peur de trouver porte close en arrivant devant un restaurant avec la faim au ventre, cela ne me fait pas grand-chose. Je ne serais pas malheureux dans une dystopie, sans rien ni personne alentour, bien au contraire. La chaleur du soleil et ma respiration me suffisent, agrémentées d’un restaurant de temps en temps. La route monte légèrement à présent. Je gare la voiture au sommet d’un plateau. Le long du chemin, dissimulé dans une luxuriante forêt de pins, je découvre un énorme bunker. Je ne suis encore jamais tombé sur un ouvrage aussi imposant. Il fait délicieusement frais sous les arbres. La lumière du soleil se reflète dans l’Atlantique et scintille à travers les troncs.

La séance du lendemain s’avère compliquée. J’essaie d’user d’une palette pittoresque afin de donner une qualité picturale à mes clichés, mais vu le beau temps ensoleillé et l’heure de la journée, c’est quasi impossible. Les ombres perdent de leur intensité, tandis que les reflets jaillissent du spectre. Lorsque le soleil se met à décliner et que la lumière diminue, la mer a reconquis le sable et a largement submergé les bunkers.

Au sud de Royan se trouve un complexe de bunkers qui a tout d’une solution idéale. Un immense blockhaus aux courbes parfaites se dresse au bord d’une falaise, percé d’une fente sombre à travers laquelle des yeux inquisiteurs devaient autrefois scruter les environs. Les rayons d’hiver ont réchauffé le béton toute la journée. Il n’y a rien de plus agréable que du béton couvert de mousse, patiné par des décennies de vent iodé, de pluie et de soleil, qui imprime sa chaleur au creux de votre main dans la quiétude du soir. C’est ici que je suis venu chercher refuge, parmi ces blocs de béton anonyme qui dégagent plus de douceur que la plupart des gens que l’on rencontre au cours de sa vie

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