Day 463

English

Germany has many exceptional locations.  As the years pass, however, in Germany too there are fewer and fewer areas of ground without fences around them.  It is therefore more challenging than I expected to find a bunker that can potentially add something to the project.  I have possibly found something interesting about ten kilometres south of Berlin.  Whereas I usually visit the location first to assess its suitability, this time I put it to the test; I head for Berlin without preparation.  This means that during the day I will need to investigate the area, find the location, and take the photo.

I can stay with a former fellow-student.  It is quite busy on the road and Berlin always seems further away than you hope.  But finally, when the night has absorbed the very last little bit of dusk, and Berlin appears on the horizon as a cluster of pinpricks of light coming into view, I reach Neukölln.  I’m in luck, there is precisely one parking place in her street.  She lives in a wonderful place, beside the water.  Lots of trees in front of the house.  A lovely old building with ornamentation on the walls and stately doors.  I imagine having such a lovely place one day that I can call my home.  The idea makes me happy, but I realise that there is a greater chance that I will still be on the run for years.

We go for something to eat together, and catch up.  What would it have been like if ... but ‘if’ never happened and there were no doubt good reasons for this.  There is a certain elegance in the acceptance of our lot, that is in sharp contrast to our clumsy efforts to see more in everything that went wrong than a cloudy version of an outcome that would allegedly have made us happier.  Later that evening, I meet the model with whom I am going to the bunker tomorrow.

I feel the tension in my body increasing the moment before a photo session.  The moment is approaching when everything must fall into place at the same time, the light, the composition, the inspiration, the alertness to press the shutter at the right moment.  I am confident that it will work.  The next morning, however, it turns out that the model is ill.  Ate something that disagreed with her, but she would like to do the photo anyway.  I pick her up at her house, not far from where I am staying.  We drive out of the city together.  The feeling of driving out of the city always does me good.  As if my lungs are getting more air and a tension is flowing out of me.

My passenger has reflux now and then. I’ve experienced a lot along the way, but this is new – travelling to a location for a photo with a model who may be sick at any time.She is originally from Iraq.One of the places where the war continued in the most literal sense, or at least was relocated there.I can still remember the NOS-news [KW1]images well, the Scud missiles, trails of light in the night, the serious voice of Bush Sr.I thought it was terrible but didn’t understand it.I can explain it now, but I still don’t really understand it.The truth of the matter is that there is never a day when there really is peace.When will the bombs that we are now dropping further away come back again?

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French

L’Allemagne possède de nombreux sites exceptionnels. La plupart d’entre eux ont cependant été clôturés au fil des ans. Il est donc plus difficile que prévu de trouver un bunker susceptible d’enrichir le projet. Je pense avoir repéré un lieu intéressant à une dizaine de kilomètres au sud de Berlin. Alors que d’habitude, je visite d’abord l’endroit pour évaluer sa pertinence, cette fois je vais tenter une expérience ; je me rends à Berlin sans aucune préparation. Cela signifie que je devrai étudier la zone, chercher l’emplacement et prendre la photo dans une seule et même journée.

Une ancienne camarade d’études accepte de m’héberger. La route est assez fréquentée, et Berlin semble sans cesse s’éloigner. Mais alors que la nuit a absorbé les dernières lueurs du crépuscule et que la ville apparaît tel un amoncellement de points lumineux à l’horizon, j’arrive enfin à Neukölln. J’ai de la chance, il reste une place de stationnement dans la rue. Mon amie vit dans un quartier charmant, en bordure de canal. Il y a de nombreux arbres devant chez elle – un beau bâtiment ancien aux murs richement ornés et aux portes majestueuses. J’aimerais moi aussi, un jour, vivre dans un si bel endroit. L’idée me plaît, mais je me rends compte qu’il est plus probable que ma fuite dure encore quelques années.

Nous sortons dîner, histoire de rattraper le temps perdu. Qu’est-ce qui serait arrivé si... Mais rien n’est jamais arrivé, et il y avait sans doute de bonnes raisons à ça. Il y a une forme d’élégance dans l’acceptation de notre sort, qui contraste fortement avec nos efforts maladroits pour voir dans tout ce qui a mal tourné autre chose que l’image trouble d’une vie qui nous aurait prétendument rendus plus heureux. Plus tard dans la soirée, je fais connaissance avec le modèle qui doit m’accompagner au bunker le lendemain.

Je sens la tension envahir mon corps avant chaque séance photo, quand approche le moment où tous les éléments doivent se mettre en place en même temps – la lumière, la composition, l’inspiration, l’attention pour appuyer sur l’obturateur au bon moment. Je reste cependant confiant. Le lendemain matin, j’apprends que mon modèle est malade. Elle a dû manger quelque chose qui ne lui a pas réussi, mais elle veut quand même poser. Je passe la prendre chez elle, non loin de l’endroit où je loge. Nous quittons la ville ensemble. M’éloigner de la ville me fait toujours du bien. Comme si mes poumons aspiraient plus d’air et qu’une tension me quittait.

Ma passagère a un reflux de temps à autre. J’ai traversé de nombreuses épreuves, mais celle-ci est inédite : me rendre sur un site pour une photo avec un modèle qui peut se trouver mal à tout moment. Elle est originaire d’Irak. L’un des endroits où la guerre s’est prolongée au sens le plus littéral du terme, ou du moins a été délocalisée. Je me souviens encore très bien des images diffusées par les chaînes d’information, des missiles Scud, des traînées de lumière dans la nuit, de la voix grave de Bush père. Je trouvais ça horrible, sans pour autant comprendre. Je peux l’expliquer à présent, même si je ne le comprends toujours pas vraiment. La vérité, c’est qu’il n’y a pas un seul jour où la paix règne réellement. Quand les bombes que nous larguons aujourd’hui nous reviendront-elles en pleine face ? 

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